Le lait maternel tiré à l’aide d’un tire-lait pourrait être un peu moins bon que le lait venant directement du sein de la mère, suggère une nouvelle étude.
Des chercheurs ont observé que le lait maternel des femmes qui tiraient leur lait à l’aide d’un tire-lait présentait généralement davantage de bactéries potentiellement dangereuses, ainsi qu’une abondance et une diversité réduites de microbes bénéfiques, que le lait des femmes qui nourrissaient leur nourrisson uniquement au sein.
Cette étude représente la plus récente étape d’un nouveau domaine de recherche : Qu’est-ce qui détermine la composition des bactéries dans le lait maternel, et quels sont les effets potentiels sur la santé des bébés ?
« Jusqu’à il y a environ 10 ans, on supposait que le lait maternel était stérile », explique Meghan Azad, chercheuse principale.
Cependant, le corps humain regorge de bactéries résidentes et d’autres microbes. La recherche commence à mettre en évidence comment ces microbes, en particulier ceux présents dans les intestins, affectent les processus physiologiques et les risques de maladie.
Certaines de ces études se sont intéressées au lait maternel et ont découvert qu’il contenait en réalité de grandes quantités de bactéries, selon Azad. Cela laisse néanmoins de nombreuses questions sans réponse, notamment : D’où viennent ces bactéries ? Quels sont les facteurs qui rendent le lait maternel d’une femme différent du lait d’une autre femme ?
L’une des théories est que les bactéries « migrent » depuis le tube digestif de la mère pour arriver dans son lait maternel, explique Azad, qui est professeur adjoint de pédiatrie et de santé infantile à l’Université du Manitoba, au Canada.
Cependant, selon elle, d’autres facteurs pourraient entrer en jeu. Les nouveaux résultats suggèrent que la manière dont le lait maternel est donné, soit directement, soit en le tirant à l’aide d’un tire-lait, est l’un de ces facteurs.
Les chercheurs ont analysé des échantillons de lait maternel provenant de presque 400 mères, quelques mois après leur accouchement. Une variation importante de l’équilibre microbien a été observée parmi les échantillons, indique Azad.
Toutefois, un facteur était invariablement associé à cette composition microbienne : le mode d’alimentation, à savoir le fait de nourrir le bébé uniquement au sein ou d’utiliser du lait tiré à l’aide d’un tire-lait.
Le lait des mères qui tiraient leur lait contenait généralement davantage de bactéries de certaines familles pouvant parfois entraîner des infections, par exemple les Stenotrophomonas et les Pseudomonadaceae.
En outre, le lait des mères qui allaitaient leur bébé directement présentait une plus grande diversité de bactéries bénéfiques, ce qu’on l’on considère généralement comme meilleur. Cela comprenait d’ailleurs les microbes qui se trouvent en général dans la bouche.
Ce résultat suggère que les bactéries buccales des bébés sont l’une des sources des microbes présents dans le lait maternel, selon Azad.
La grande question est de savoir ce que tout cela signifie.
Les chercheurs ne savent pas encore exactement si le mode d’alimentation affecte l’équilibre bactérien dans les intestins des bébés, ou, de façon plus générale, leur santé ou leur développement, explique Azad.
Les recherches précédentes, souligne-t-elle, ont montré que les microbes intestinaux sont importants pour le développement du système immunitaire des nourrissons. De plus, les « perturbations » de ces bactéries tôt dans la vie ont été liées à une augmentation des risques d’allergies et d’asthme.
Azad indique que son équipe prévoit d’étudier si la composition bactérienne du lait maternel est également liée aux risques de ces maladies, ainsi qu’à la croissance des bébés.
« Au bout du compte, c’est ce dont se soucient les parents », dit-elle.
Les résultats ont été publiés le 13 février dans la revue Cell Host & Microbe.
Pour le moment, certaines choses sont claires : Le lait maternel, qu’il soit donné au sein ou au biberon, est la meilleure source de nutrition pour les nourrissons, explique Dr Lori Feldman-Winter, présidente de la division consacrée à l’allaitement de l’American Academy of Pediatrics.
Nourrir les bébés au sein est « idéal » selon Dr Feldman-Winter, qui n’a pas contribué à l’étude. « Mais le deuxième meilleur choix est le lait maternel tiré [à l’aide d’un tire-lait] », indique-t-elle.
« Nous recommandons un allaitement exclusif pendant les six premiers mois de vie, quelle que soit la manière dont les mères y parviennent », précise Dr Feldman-Winter.
En outre, ajoute-t-elle, si les mères sont en mesure d’allaiter directement, ne serait-ce que pendant les quelques premières semaines, cela est mieux que de ne jamais le faire.
Il s’agit d’un argument essentiel aux États-Unis, où il n’y a pas de congé maternité payé pouvant permettre à un plus grand nombre de femmes d’allaiter directement pendant plus longtemps, souligne Dr Feldman-Winter.
Au fur et à mesure que les chercheurs en apprennent davantage sur les effets bénéfiques de l’allaitement direct, dit-elle, les résultats n’auront pas que des implications en termes de santé, mais également en termes de « culture ».
« En tant que société, nous devrons décider quelles sont nos valeurs », déclare Dr Feldman-Winter. Et cela pourrait signifier de trouver des « solutions créatives » afin d’aider un plus grand nombre de mères qui travaillent à allaiter directement, dit-elle.
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